• Le pot de fleurs

    Parfois un enfant trouve une petite graine

    Et tout d'abord, charmé de ses vives couleurs,

    Pour la planter il prend un pot de porcelaine

    Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.

     

    Il s'en va. La racine en couleuvres s'allonge,

    Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau ;

    Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge,

    Tant qu'il fasse éclater le ventre du vaisseau.

     

    L'enfant revient ; surpris, il voit la plante grasse

    Sur les débris du pot brandir ses verts poignards ;

    Il la veut arracher, mais la tige est tenace ;

    Il s'obstine, et ses doigts s'ensanglantent au dards.

     

    Ainsi germa l'amour dans mon âme surprise ;

    Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps :

    C'est un grand aloès dont la racine brise

    Le pot de porcelaine aux dessins éclatants.

    Théophile Gautier


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  • Chut

    Dans la prairie

    Aux boutons d'or

    Il te suffit

    De souffler fort,

    De souffler fort

    Sur la bougie,

    Sur la bougie

    D'un pissenlit

    Pour voir éclore

    En trois chut chut

    Toute une pluie

    De parachutes.

    Pierre Coran


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  • La violette

    Dans les prés verts où le ruisseau

    Passe et murmure,

    Tu mires au cristal de l'eau

    Ta tête pure ;

    Petite fleur qu'un souffle suit,

    - Si parfumée -

    Par toi la brise de la nuit

    Est embaumée.

     

    Lorsque l'étoile, à l'horizon,

    Pâle, s'allume,

    Sur ta corolle son rayon

    Blanc se parfume ;

    Quand tu fuis les regards de tous,

    Humble et discrète,

    Ton doux parfum, ô violette,

    Monte vers nous.

     

    Le premier souffle du printemps

    Te fait éclore.

    Et l'hiver qui blanchit nos champs

    Te voit encore ;

    Dans la mansarde, ô douce fleur,

    À la souffrance

    Tu portes l'agréable odeur

    Et l'espérance.

     

    Quand nos larmes tombent sur toi,

    Triste rosée,

    Tu consoles dans son émoi

    L'âme brisée ;

    Lorsque ton calice fermé

    Devient tout pâle,

    Ton dernier souffle qui s'exhale

    Est parfumé.

    Napoléon Legendre


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  • Les marguerites

    Les marguerites dans les champs

    Joyeuses se balancent

    Boutons dorés cernés de blanc

    Où les papillons dansent

    Sous les frêles doigts dentelés

    Ombrelles de pétales

    L'alouette vient écouter

    Le chant de la cigale.

     

    Les petites reines des prés

    Dansent la farandole

    Sous le dais royal azuré

    La céleste coupole

    Et le soleil de ses rayons

    Allume leurs couronnes

    Qui se balancent à foison

    Du printemps à l'automne.

     

    Gentilles fleurs vous répandez

    La gaieté dans la plaine

    Le Créateur vous a donné

    Une beauté sereine

    Vous le louez, la nuit , le jour

    Pour lui votre parure

    Petites reines de la cour

    Du roi de la nature.


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  • Les nénuphars

    Nénuphars blancs, ô lys des eaux limpides,

    Neige montant du fond de leur azur,

    Qui, sommeillant sur vos tiges humides,

    Avez besoin, pour dormir, d'un lit pur ;

    Fleurs de pudeur, oui ! vous êtes trop fières

    Pour vous laisser cueillir... et vivre après.

    Nénuphars blancs, dormez sur vos rivières

    Je ne vous cueillerai jamais !

     

    Nénuphars blancs, ô fleurs des eaux rêveuses,

    Si vous rêvez, à quoi donc rêvez-vous ?

    Car pour rêver il faut être amoureuses,

    Il faut avoir le cœur pris... ou jaloux ;

    Mais vous, ô fleurs que l'eau baigne et protège,

    Pour vous,  rêver... c'est aspirer le frais !

    Nénuphars blancs, dormez dans votre neige !

    Je ne vous cueillerai jamais !

     

    Nénuphars blancs, fleurs des eaux engourdies

    Dont la blancheur fait froid aux cœurs ardents,

    Qui vous plongez dans vos eaux détiédies

    Quand le soleil y luit, Nénuphars blancs !

    Restés cachés aux anses des rivières,

    Dans les brouillards, sous les saules épais...

    Des fleurs de Dieu vous êtes les dernières !

    Je ne vous cueillerai jamais !

    Jules Barbey d'Aurevilly


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