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    Ton Souvenir est comme un livre...

    Ton Souvenir est comme un livre bien aimé,

    Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé,

    Un livre où l'on vit mieux sa vie, et qui vous hante

    D'un rêve nostalgique, où l'âme se tourmente.

     

    Je voudrais, convoitant l'impossible en mes vœux,

    Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ;

    Ciseler avec l'art patient des orfèvres

    Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ;

     

    Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi

    Qu'en tombant de ton âme, in mot, un mot propage en moi ;

    Dire quelle mer chante en vagues d'élégie

    Au golfe de tes seins où je me réfugie ;

    Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois

    Comme une après-midi d'automne dans les bois ;

    De l'heure la plus chère enchâsser la relique,

    Et, sur le piano, tel soir mélancolique,

    Ressusciter l'écho presque religieux

    D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.

    Albert Samain


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    Octobre est une symphonie de permanence et de changement.
    Bonaro W. Overstreet


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    L'automne

    Voici venu le froid radieux de septembre ;

    Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;

    Mais la maison a l'air sévère, ce matin,

    Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.

     

    Comme toutes les voix de l'été se sont tues !

    Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?

    Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois

    Que la brise grelotte et que l'eau même a froid.

     

    Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;

    Elles voudraient aller où les oiseaux s'envolent,

    Mais le vent les reprend et barre leur chemin

    Elles iront mourir sur les étangs demain.

     

    Le silence est léger et calme ; par minute

    Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,

    Et puis tout redevient encor silencieux,

    Et l'Amour qui jouait sous la bonté des cieux

     

    S'en revient pour chauffer devant le feu qui flambe

    Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,

    Et la vieille maison qu'il va transfigurer

    Tressaille et s'attendrit de le sentir entrer...

    Anna de Noailles


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    En septembre

    Ciel roux. Ciel de septembre.

    De la pourpre et de l'ambre

    Fondus en ton brouillé.

    Draperie ondulante

    Où le soleil se plante

    Comme un vieux clou rouillé.

     

    Flots teintés d'améthyste.

    Écumes en batiste

    Aux légers falbalas.

    Horizon de nuées

    Vaguement remuées

    En vaporeux lilas.

     

    Falaises jaunissantes.

    Des mûres dans les sentes.

    Du chaume dans les champs.

    Aux flaques des ornières,

    En lueurs prisonnières

    Le cuivre des couchants.

     

    Aucun cri dans l'espace.

    Nulle barque qui passe.

    Pas d'oiseaux aux buissons

    Ni de gens sur l'éteule.

    Et la couleur est seule

    A chanter ses chansons.

     

    Apaisement. Silence.

    La brise ne balance

    Que le bruit endormant

    De la mer qui chantonne.

    Ciel de miel. Ciel d'automne.

    Silence, Apaisement.

    Jean Richepin


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    Vigne vierge d'automne

    Vous laissez tomber vos mains rouges,

    Vigne vierge, vous les laissez tomber

    Comme si tout le sang du monde était sur elles.

     

    A leur frisson, toute la balustrade bouge,

    Tout le mur saigne,

    Ô vigne vierge... Tout le ciel est imbibé

    D'une même lumière rouge.

     

    C'est comme un tremblement d'ailes rouges qui tombent,

    D'ailes d'oiseaux des îles, d'ailes

    Qui saignent. C'est la fin d'un règne

    Ou quelque chose de plus simple infiniment.

     

    Ce sont les pieds palmés de hauts flamants

    Ou de fragiles pattes de colombes

    Qui marchent dans l'allée.

    (Où vont-elles, si rouges ?)

    Leurs traces étoilées

    Rejoignent l'autre vigne, où l'on vendange.

    Si rouge,

    Est-ce déjà le sang des cuves pleines ?

    Ah ! simplement la fête des vendanges,

    Simplement n'est-ce pas ?

     

    Et pourtant, que vos mains sont tremblantes ! Leurs veines

    Se rompent une à une... Tant de sang...

    Et cette odeur si fade, étrange.

    Ces mains qui tombent d'un air las,

    Ô vigne vierge, d'un air las et comme absent,

    Ces mains abandonnées...

     

    (Lady Macbeth n'eut-elle pas ce geste

    Après avoir frotté la tache si longtemps ?)

     

    Mains qui se crispent, mains qui restent

    En lambeaux rouges sur octobre palpitant ;

    Dites, oh ! dites chaque année

    Êtes-vous les mains meurtrières de l'Automne ?

     

    Ou chaque année,

    Sans rien qui s'en émeuve ni personne,

    Des mains assassinées

    Qui flottent au fil rouge de l'automne ?

    Sabine Sicoud


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