• Berceuse de la poupée

    Petite poupée en bonnet de dentelle

    Sur vos cheveux fins de filasse blonde,

    Dormez : l'horloge sonne et tout le monde

    A mouché les chandelles.

     

    Pierrot se couche et la lune se lève ;

    Au faîte des toits tous les chats sont gris ;

    Dormez et faites un beau rêve :

    Tous les chats sont gris comme les souris.

     

    Avec votre robe trop courte et fripée

    Et vos bas qui tombent jusqu'aux talons,

    Dormez et rêvez, petite poupée,

    De quelque beau soldat de plomb.

     

    En votre berceau de soie et de satin

    Grand comme un sabot de frêne,

    Etendez vos frêles jambes de bois peint

    Et dormez bien, petite reine.

     

    Votre enfantine et mignonne maman

    Dort aussi sous le dais de son lit,

    Et rêve d'un page charmant

    Qui joue à la balle au jardin joli.

     

    Petite poupée au nez rose et cassé,

    Petite poupée au bonnet de travers,

    A quoi bon laisser

    Vos yeux bleus ouverts,

     

    Puisque personne ne viendra vous embrasser,

    Que les soldats de plomb ne font jamais la ronde

    Et que le marchand de sommeil est passé

    Pour tout le monde ?

    Tristan Klingsor


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  • Mon petit chien est parti mardi dernier au paradis des animaux. Il avait 15 ans 1/2, nous sommes si tristes, il nous manque tellement.

    Ce poème de Madeleine Reynaud résume si bien sa vie...

    Le petit chien

    Je suis un petit chien

    Mais j'ai déjà quinze ans.

    Si je présente bien,

    Mon âge, je le sens.

     

    Mon coeur est fatigué,

    J'ai des douleurs partout,

    Ma vue a bien baissé,

    Je n'entends plus du tout.

     

    J'aimais bien la montagne

    Quand j'étais casse cou.

    Le vertige me gagne,

    Je fatigue beaucoup.

     

    Je vais plus doucement

    Et je marche très peu.

    Je dors bien plus longtemps,

    J'ai caché tous mes jeux.

     

    Quand une chienne passe,

    Je redeviens fringant,

    Je fais preuve d'audace,

    Je me sens élégant.

     

    Mais dès qu'elle est partie,

    Je retouve mon âge

    Et mon dos s'arrondit :

    Ce n'était qu'un mirage.

     

    Mes maîtres m'aiment autant

    Que quand j'étais petit.

    Ils me disent souvent

    Que j'ai changé leur vie.

     

    La mienne aura été

    Faite de grandes joies,

    J'aurai été choyé,

    J'aurai été un roi.

     

    Quand il faudra partir

    Je ne gémirai pas.

    Je voudrais m'endormir

    Blotti entre leurs bras.

    Madeleine Reynaud


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  • Le Petit Chat

    C'est un petit chat noir effronté comme un page,

    Je le laisse jouer sur ma table souvent.

    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage,

    On dirait un joli presse-papier vivant.

     

    Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;

    Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,

    A ces minets tirant leur langue de drap rouge,

    Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

     

    Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,

    Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.

    Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique

    Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

     

    Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,

    La frôle, puis, à coups de langue très petits,

    Il le happe ; et dès lors il est à son affaire

    Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

     

    Il boit, bougeant la queue et sans faire de pause,

    Et ne relève enfin son joli museau plat

    Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose

    Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

     

    Alors il se pourlèche un moment les moustaches,

    Avec l'air étonné d'avoir déjà fini.

    Et comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,

    Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.

     

    Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;

    Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,

    Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,

    Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

    Edmond Rostand


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  • Le cygne

    Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,

    Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,

    Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil

    A des neiges d'avril qui croulent au soleil ;

    Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire

    Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.

    Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,

    Le plonge, le promène allongé sur les eaux,

    Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,

    Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.

    Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix,

    Il serpente, et, laissant les herbages épais

    Traîner derrière lui comme une chevelure,

    Il va d'une tardive et languissante allure.

    La grotte où le poète écoute ce qu'il sent,

    Et la source qui pleure un éternel absent,

    Lui plaisent ; il y rôde ; une feuille de saule

    En silence tombée effleure son épaule.

    Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,

    Superbe, gouvernant du côté de l'azur,

    Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire,

    La place éblouissante où le soleil se mire.

    Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus,

    A l'heure où toute forme est un spectre confus,

    Où l'horizon brunit, rayé d'un long trait rouge,

    Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,

    Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit,

    Et que la luciole au clair de lune luit,

    L'oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète

    La splendeur d'une nuit lactée et violette,

    Comme un vase d'argent parmi des diamants,

    Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.

    Sully Prudhomme


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  • Un petit morceau de nuit

    Un petit morceau de nuit décrochée

    Qu'on retrouve dans sa main...

    Qu'est-ce qu'on en fait, le matin ?

    Il ne faut pas le jeter,

    On ne peut pas le garder...

    C'est une responsabilité

    Trop grande pour décider.

    Alors que faire ? On ne sait trop...

    Attendre que quelqu'un vienne le prendre de là-haut.

    Maryse Gevaudan


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