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Chanson d'hiver
Le soleil est en congé :
Comme il neige ! comme il neige !
Le soleil est en congé
(Joli temps pour voyager !...)
La froidure a délogé
Sous la neige, sous la neige,
La froidure a délogé
Les oiseaux du potager.
Le soleil est en congé :
Comme il neige ! comme il neige !
Le soleil est en congé
(Quelque part à l'étranger ?...)
Quant à moi, flocons légers,
Quand il neige, quand il neige,
Quant à moi, flocons légers,
J'aime à vous voir voltiger.
Le soleil est en congé :
Comme il neige ! comme il neige !
Le soleil est en congé
(S'il n'a pas déménagé !...)
Chacun de s'interroger,
Tant il neige, tant il neige,
Chacun de s'interroger :
Jusqu'à quand va-t-il neiger ?
Jean Luc Moreau
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Berceuse de la poupée
Petite poupée en bonnet de dentelle
Sur vos cheveux fins de filasse blonde,
Dormez : l'horloge sonne et tout le monde
A mouché les chandelles.
Pierrot se couche et la lune se lève ;
Au faîte des toits tous les chats sont gris ;
Dormez et faites un beau rêve :
Tous les chats sont gris comme les souris.
Avec votre robe trop courte et fripée
Et vos bas qui tombent jusqu'aux talons,
Dormez et rêvez, petite poupée,
De quelque beau soldat de plomb.
En votre berceau de soie et de satin
Grand comme un sabot de frêne,
Etendez vos frêles jambes de bois peint
Et dormez bien, petite reine.
Votre enfantine et mignonne maman
Dort aussi sous le dais de son lit,
Et rêve d'un page charmant
Qui joue à la balle au jardin joli.
Petite poupée au nez rose et cassé,
Petite poupée au bonnet de travers,
A quoi bon laisser
Vos yeux bleus ouverts,
Puisque personne ne viendra vous embrasser,
Que les soldats de plomb ne font jamais la ronde
Et que le marchand de sommeil est passé
Pour tout le monde ?
Tristan Klingsor
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Fantaisie d'hiver
Le nez rouge, la face blême,
Sur un pupitre de glaçons,
L'Hiver exécute son thème
Dans le quatuor des saisons.
Il chante d'une voix peu sûre
Des airs vieillots et chevrotants ;
Son pied glacé bat la mesure
Et la semelle en même temps ;
Et comme Haendel, dont la perruque
Perdait sa farine en tremblant,
Il fait envoler de sa nuque
La neige qui la poudre à blanc.
Théophile Gautier
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Janvier
Il fait froid. Les blizzards soufflent et nul rayon
Ne dore des forêts les blancheurs infinies ;
Mais Noël sur nos seuils laissa comme un sillon
De clartés, de parfums, de paix et d'harmonies.
Et sur l'épais verglas des chemins boulineux,
Sur les trottoirs glissants et clairs comme l'agate,
Dans les logis obscurs, sous les toits lumineux,
L'allégresse loquace et tapageuse éclate.
En vain la neige à flots tombe des cieux brouillés,
En vain le grand réseau polaire nous enlace,
En vain le fouet du vent nous flagelle la face,
Nos coeurs ont la chaleur des bords ensoleillés.
Nos coeurs français n'ont rien des froideurs de la bise
Qui tord l'arbre souffrant et mort presque à moitié,
Et nous nous enivrons de la senteur exquise
Qu'épanche sur nos fronts l'arbre de l'Amitié.
Ce vif rayonnement de joie en tous sens brille
Et glisse jusqu'au gîte isolé du colon.
Aux tables des fricots le sel gaulois pétille,
Et tout un monde gigue au son du violon.
Les somptueux salons sont ruisselants de flammes,
Et sous le flamboiement des lustres de cristal,
Comme un écho divin, la musique du bal
Emporte en ses replis prestigieux les âmes.
Dans tout cercle du soir plus vive est la gaîté,
Pendant que sur les toits sanglote la rafale,
Ou qu'au ciel éclairci l'aurore boréale
Déroule les splendeurs de son voile enchanté.
William Chapman
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