-
-
Rêve d'oiseau
Sous les fleurs d'églantier nouvellement écloses,
Près d'un nid embaumé dans le parfum des roses,
Quand la forêt dormait immobile et sans bruit,
Le rossignol avait chanté toute la nuit.
Quand les bois s'éclairaient au réveil de l'aurore,
Le fortuné chanteur vocalisait encore.
Sous les grands hêtres verts qui lui filtraient le jour,
La reine de son cœur veillait au nid d'amour.
Dans le berceau de mousse il revient d'un coup d'aile,
Impatient alors de se rapprocher d'elle.
Puis le maître divin dormit profondément...
Mais parfois il chantait dans son rêve en dormant.
"Les yeux fermés, il pense encore à moi", dit-elle,
Heureuse d'être aimée, heureuse d'être belle.
André Lemoyne
23 commentaires -
Souvenir
Un soir du dernier carnaval,
- Un froid de loup, je me rappelle, -
Nous revenions tous deux du bal,
Bien tard, bien tard, mademoiselle.
Je m'en souviens, ô vrai bonheur !
Des airs joués à l'ouverture,
Les battements de votre cœur
Gardaient encore la mesure.
- Si vous m'aimiez ? - Je ne sais rien.
Toujours est-il que la dernière
Vous songeâtes que votre main
Tenait la mienne prisonnière.
Pourquoi marchions-nous lentement,
Par un de ces froids de Norvège,
Malgré le vent qui par moments
Fouettait nos fronts, malgré la neige ?
C'est que, vois-tu, nous nous aimions
Déjà beaucoup, je me rappelle,
Le soir que seuls nous revenions
Bien tard, bien tard, mademoiselle.
Eudore Evanturel
21 commentaires -
Le soir sur l'eau
La noire gondole se glissait le long des palais de marbre,
comme un bravo qui court à quelque aventure de nuit,
un stylet et une lanterne sous sa cape.
Un cavalier et une dame y causaient d'amour :
- "Les orangers si parfumés, et vous si indifférente !
Ah ! signora, vous êtes une statue dans un jardin !"
- "Ce baiser est-il d'une statue, mon Georgio ?
pourquoi boudez-vous ? - Vous m'aimez donc ? -
Il n'est pas au ciel une étoile qui ne le sache et tu ne le sais pas ?"
- Quel est ce bruit ? - Rien, sans doute le clapotement
des flots qui monte et descend une marche des escaliers de la Giudecca.
- Au secours ! au secours ! - Ah ! mère du Sauveur,
quelqu'un qui se noie ! - Écartez-vous ;
il est confessé dit un moine qui parut sur la terrasse.
Et la noire gondole fonça de rames, se glissant le long
des palais de marbre comme un bravo qui revient de quelque aventure de nuit,
un stylet et une lanterne sous sa cape.
Aloysius Bertrand
22 commentaires -
Dans le grenier de ma grand-mère
Ma grand-mère a un grenier
plein de toiles d'araignées ;
mais dans les coffres de bois
on y trouve des merveilles :
de vieux jouets d'autrefois,
des dentelles, des corbeilles,
des fourchette édentées,
des guitares, des poupées,
des livres lourds de poussière,
un berceau, une théière
et un très joli pantin
au pantalon de satin...
Mais moi, ce que je préfère,
c'est la robe de mariée
avec ses fleurs d'oranger
toutes jaunies par le temps.
Qu'elle était belle, Grand-Mère,
quand elle avait dis-huit ans !
Claude Clément
22 commentaires